Mi Mediterraneo

Billets

Il est des voyages que l'on oublie,
Des images qui s'estompent,
des messages qui se brouillent,
des émotions que le temps gomme et efface doucement un peu plus tous les jours.
D'elle et de nos moments, je ne veux rien oublier, rien effacer et tout garder.
J'entends sceller l'histoire de ces instants volés pour me rappeler à jamais du carmin de ses lèvres, de la saveur de sa chaire, du gracile de sa nuque.
Jamais elle ne m'a suffit, constamment son corps a aiguisé en moi le plus fervent des appétits, des années à apprivoiser son corps sans jamais atteindre la satiété.
Longtemps je chérirai comme une idole,  l'image de mon aimée callipyge: le galbe de ses hanches, le tombé de ses reins, la parfaite césure de ses fesses. De les avoir dessiner si souvent du bout des doigts, j'en connais à merveille les contours, les reflets, en ombres ou en satins, leurs soies et leurs nacres dans leurs moindres recoins. Aucune posture des plus civiles aux plus scabreuses ne vient jamais desservir la perfection de ses lignes ou la beauté de ses formes.
Quand nos corps s’affrontent, il n'y a pas de contrainte: ni effort, ni mécanique. Tout s'éclaire, tout s’enchaîne,tout s'enclenche simplement, naturellement. Tout est guidé d'évidence par la puissance de cette chimie obscure qui déroute nos consciences.
J'aimerai tant à nouveau me soumettre à cette magie, sentir son souffle sur moi, ses ongles sur mon torse et respirer à m'en étourdir  le parfum de sa peau. Glisser encore mes mains dans ses cheveux, déposer un baiser dans son cou puis lui mordiller lentement les lobes. En la serrant par les épaules, je sentirai vivre son désir, lui caresserait le ventre avant de cueillir sur ma langue le prix de son plaisir.
 
Il était si précieux pour moi d'éprouver une telle complémentarité des fièvres et des corps, de jouer ensemble une mélodie rare et bouleversante des sens et des passions toutes au diapason.
Je crois tout savoir des réactions de son corps tout connaitre, de la légèreté de ses frissons, de la sincérité de ses éphémères tétanies.     
Vivre cette harmonie nous détachait du monde et de ses réalités. Nous amenait dans des contrées surnaturelles d'où on ne revient jamais indemne.
 
 
Autour de moi il y avait son regard jamais absent, jamais étourdi.
Dans le fond des yeux on lisait la profondeur de ses désirs, l'étincelle de son plaisir ou des pré-larmes contenues.
Si elle pensait freiner mes ardeurs ou ralentir tous mes assauts, elle ne faisait que jouer son rôle en rythmant nos ébats aux délicieuses malices de notre métronome silencieux.
Alors qu'elle ne parlait que par les yeux son amant la submergeait de paroles et de commentaires qu'elle balayait le plus souvent d'un revers de cil, en souriant, sans rien perdre du moment.
J'aimais tant qu'elle fut mienne, qu'elle et moi fussions un tout, que j'aurais tout risqué pour que rien ne s'achève.
P. n'a rien des autres, et c'est tant mieux.
Elle a la mémoire des caractères
la profondeur des sentiments,
de la distance sur les choses et les gens.
 
Le jour viendra où vous assisterez à mon exécution publique.

Puisque les dieux ont soif de mon sang,
La foule aura donc son spectacle
mais ma vraie tragédie ne sera vue que de vous.

Lorsqu'une lame foudroyante viendra trancher mon souffle,
Cachée parmi la multitude assemblée,
anonyme et glacée vous me verrez mourir comme on perd son histoire.

Transie et esseulée, vous supplierez muette les gestes du bourreau
Vous songerez captive à l’âme du supplicier
dont vous seule connaissez le cœur et les secrets.

Avant de trépasser en ne pensant qu'a vous,
Je veux croire qu'à vos cotés, mourir se justifiait
Et que vivre sans vous n'aurait pas de raison

Quand enfin ma tête roulera dans la sciure,
Je sentirai l'effroi envahir la tribune et devinerai sans peine la tristesse dans vos yeux
et il n'est de plus doux châtiment que de périr pour eux.

Tant que l'on prendra le temps,

d'imaginer, de regarder, de toucher,

Tant qu'il n'y aura rien de négligé,

ni dans les gestes, ni dans les mots,

Tant qu'il y aura des doutes,

sur les postures, les situations,

Le manque d'assurance nous pousse au meilleur de nous même,

Il ne faudra jurer de rien sauf de l'instant,

Tant que la moindre allusion, le moindre mot de l'autre sera disséquer

Pour n'en conclure rien, sinon un frêle soupçon,

Tant que l'on portera pour l'autre une plus haute idée que de nous même,

Rien ne nous fera faillir, jamais persuadés mais convaincus du mieux à faire,

Tant qu'il y aura des joies, des partages et des jeux,

Alors tout garde sens et rien d'autre ne nous est permis que de s'aimer,

On avait construit lentement, prudemment,
la bulle qui nous servirait de refuge.
 
 
Un asile de douceur, de plaisir et de partage.
 
En raison, en risque mesuré,
nous avons progressé pas à pas
sur ce chemin envoûtant et interdit.
Le but était de créer un monde à nous,
à la rencontre improbable de nos deux univers.
 
Un lieu artificiel, créé pour deux,
reculé du tumulte et des vilenies humaines.
 
Sans emportements ni fougues déplacées,
notre espace escamoté a peut être un peu pris le pas
sur notre vision du monde.
 
D'un accessoire futile, il devint principal.
Obsédant, nourrissant, il nous devint vital.
 
Comment se sentir encore protégé par un secret
qui n'est plus seulement partagé à deux ?

Ce n'est pas d'arriver qui est important,
                                   c'est d'aller vers...
 
                          Antoine de Saint-Exupéry

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